Faire la suite d'un film à succès suscite généralement toujours les mêmes critiques et entraîne, de fait, toujours les mêmes appréhensions chez les spectateurs. Pour les premières, il est de coutume de taxer la chose de "commerciale", c'est à dire suscitée uniquement pour engranger de l'argent, pour les secondes, les craintes sont d'être légitimement déçus par rapport à l'opus précédent. Certes, il y a pourtant des films qui échappent à tout cela : les films à "franchise". La franchise "Star Trek" arrive à son 13ème volet cette année avec "Sans limites", mais il ne faut pas oublier que cette suite de films n'est que le prolongement de la succession d'épisodes de la célèbre série qui l'a suscitée. Il en va de même pour "Mission Impossible", autre continuation de films inspiré de la célèbre série télé. 2016 est véritablement l'année des suites et des reboots de toute sorte : Jason Bourne, Alexander Cage avec xXx, StarTrek, Bridget Jones Baby, Jack Reacher never go back, Les 7 Mercenaires, Ben-Hur, S.O.S. Fantômes 2, Le labyrinthe 3, Insaisissables 2, Wolverine 3, Peter et Elliot le dragon, Fast and Furious 8, Les gardiens de la galaxie 2. J'en oublie d'ailleurs très certainement. Cela d'ailleurs mérite une réflexion et en dit long sur l'état de la création aujourd'hui. Aussi captivants soit-ils, je laisse ces passionnants questionnements pour plus tard.
C'est donc avec un mélange d’appréhension, mais aussi avec beaucoup de curiosité et d'impatience que nous avons commémoré les 20 ans de la victoire sur les aliens, en allant assister au nouvel épisode d'"Indépendance Day : Resurgence", non pas le 4 mais un 22 Juillet, hier soir. Je n'attends pas la conclusion de cet article pour le dire : mon ressenti est mitigé. Il y a beaucoup de points positifs, mais aussi quelques points négatifs. J'en suis arrivé à la conclusion que malheureusement ici, bien souvent, la dimension spectaculaire prends le pas sur l'émotion. Tout se résume alors dans une unique interrogation : cela était-il bien nécessaire ?
I. Les limites d'un spécialiste.
Je fais partie de ceux qui aiment bien Roland Emmerich, que j'ai coutume d'appeler "le monsieur catastrophe de notre génération", nos parents ayant eu John Guillermin, et même avant Irwin Allen, auquel il succède dans le genre. Et puis, il a réalisé deux films incontournables pour moi : "Universal Soldier" et "Stargate". Il faut pourtant se souvenir que tous ses films ont fait à l'époque l'objet de critiques virulentes, critiques qui se sont encore amplifiées de nos jours. En fait, l'intensité que mettent ses détracteurs à déconsidérer son travail est inversement proportionnel aux recettes engrangés par ses films, qui sont majoritairement à grand spectacle. Emmerich excelle dans le genre blockbusters, néglige souvent son scénario pour préférer la dimension visuelle et les prouesses techniques. Doit-on dévaloriser systématiquement son travail pour autant ? En tant que réalisateur allemand expatrié aux États-Unis, il profite de toute la puissance de la machinerie hollywoodienne, et, franchement, il aurait tort de s'en priver, étant donné qu'il la maîtrise parfaitement.
Il s'est donc forgé une spécialité, celle de la destruction de masse, et l'a érigé en art. L'ensemble de sa filmographie, ou presque, en atteste : il a détruit la Terre, ses symboles et ses monuments emblématiques des dizaines de fois. Il ne paraît pas être atteint par le syndrome post 11 septembre ou bien par le contexte actuel propice aux attentats. Cette promesse faite dès l'annonce du film, compte tenu du premier opus, est alléchante. Sur ce plan là, il faut le reconnaître, l'objectif est atteint. Tout est plus grand, beaucoup plus grand, en fait tout est dans la démesure : les vaisseaux, de la taille d'une planète, l'ampleur de l'attaque, les destructions massives, les millions de morts. Mais que peut-on voir de plus, que l'on a pas déjà vu ? En effet, pour peu que l'on suive la filmographie du réalisateur, on a déjà presque assisté à tout au fil des années. Et c'est ici qu'apparaît à mon avis une limite de ce film : la séquence tant attendue de l'attaque alien est trop courte. On est presque frustré de ne pas voir davantage de monuments symboliques tomber, s'écrouler ou exploser. On est d'ailleurs trompé par une des affiches du film, où l'on voit notre Tour Eiffel nationale subir les conséquences de l'attaque alors que cette scène n'apparaît pas dans le film.Une séquence résume pour moi cet aspect : la puissance et le volume des vaisseaux aliens est tel qu'il soulève des couches de terre, et une de ces couche arrive en vue de la Maison Blanche pour la submerger, s'étend, puis ralentit pour finalement s’arrêter juste aux pieds du bâtiment symbolique, qui demeure intact, de justesse. On repense alors à la célèbre séquence de l'explosion de la Maison Blanche du premier épisode, et c'est comme si le réalisateur semblait cette fois nous dire : "Vous voyez bien, je ne refais pas la même chose cette fois." Oui, mais "en même temps, je ne vais pas aussi loin" aurais je envie d'ajouter.
II. Analyser les raisons d'un succès
La deuxième chose que je crains lorsque j'ai affaire à une suite de film à succès, c'est la façon dont les auteurs ont tenu compte des différents facteurs qui ont fait la réussite de l’œuvre originale. Je me dis : est-ce qu'ils ont pris le temps d'analyser les causes et les raisons de ce succès ? Dernièrement, j'ai malheureusement pu le constater avec "Les Visiteurs 3 : la Révolution". Ceux qui sont en charge, producteurs, scénaristes, réalisateurs, acteurs, n'ont manifestement à mon humble avis pas réussi à comprendre suffisamment les raisons du succès du 1er volet, qui est culte aujourd'hui, pour réussir à les exploiter, et ont donc raté leur cible, donnant par là même raison à tous ceux qui les attendaient au tournant. C'est d'autant plus navrant que la majorité des spectateurs serait en mesure de leur expliquer ce qui fonctionne et ce qui ne marche pas. Je n'y reviens pas ici. La même question s'impose pour le film d'Emmerich : ont-ils compris et analysés les raisons du succès du 1er film ? Certes, on retrouve bien dans ce second volet certains des traits marquants du premier épisode, comme autant de passages obligés : l'importance cruciale de la zone 51, les notions d'héroïsme, de dévouement et de sacrifice au nom de la patrie, les Etats-Unis d'Amérique guidant et sauvant le monde, le président héroïque qui fait don total de sa personne. Sur le plan formel, on retrouve les vaisseaux déchirant les nuages et les ombres gigantesques occultant les paysages. Néanmoins, le film se prive curieusement de certains autres éléments :
- Will Smith. L'acteur serait-il devenu trop cher ? A t-il refusé de participer à la suite du film qui a contribué à construire sa notoriété ? ou bien tout simplement est-ce un ressort dramatique prévu dès le départ dans le scénario. Quoiqu'il puisse en être, j'aimerai assez connaître les véritables raisons de son absence. Ça nous aurait peut-être évité la plus mauvaise réplique du film "Tu vas l'avoir ta rencontre du 3ème type", énoncé par le clone de l'acteur,Jessie Usher, interprétant le fils du personnage. Car c'est à mon avis une très mauvaise idée que cette reprise de la réplique originale, dont il faut se souvenir qu'elle était énoncée comme un message interne à l'encontre de la vision bienveillante de Spielberg sur les extraterrestres. Ce clin d’œil volontaire, et la signification qui s'y rapporte, n'ont plus cours aujourd'hui. J'ai pu le vérifier dans la salle, elle ne provoque aucun effet.
- Le discours enflammé de Bill Pullman. Il y a bien un discours avant l'offensive finale, mais celui du nouveau président est trop court et surtout pas assez percutant pour nous enflammer. D'autant plus que le discours original du président Whitmore figure en amorce du film.
- Un final grandiloquent. Alors que le premier film se terminait de façon nette par la célébration d'une victoire héroïque, au contraire, le final du second opus, sans le déflorer, est ouvert. Ce qui n'exclue donc pas un troisième épisode, dont on se posera aussi la question : est-ce nécessaire ?
- Une symbolique marquante de la victoire. C'est peut-être ce qui m'a le plus manqué. On se souvient de la signification du 1er volet : le virus informatique, adaptation moderne intelligente du virus biologique de "La guerre des Mondes, montrait que le plus petit, même à des dimensions microscopiques, triomphait du plus fort, même à des dimensions planétaires. Ici, le message est tout autre: la victoire s'obtient par l'utilisation d'une technologie rendue obsolète depuis l'utilisation de la technologie alien. Le message est moins significatif, moins flamboyant.
III. Entre émotion et spectaculaire
Roland Emmerich introduit son histoire comme si l'ensemble de ses spectateurs avaient vu le 1er épisode 20 ans avant. Seul le discours de Bill Pullman fait figure de résumé, tout le reste est considéré comme acquis. C'est certes peut-être le cas aux États-Unis, puisque le film porte le titre de leur fête nationale; après tout, il en serait de même en France s'il existait un film dont le titre serait"14 Juillet". Mais ici, certains spectateurs n'étaient même pas nés en 1996 ! Ou bien alors, il faut considérer que les États-Unis représentent le monde entier. Cela ne facilite pas l'entrée dans le film, qui passe par une nécessaire identification. Ce processus d'identification est, me semble t-il, un critère important pour la réussite du propos du film. Dans le premier, les soucoupes surgissaient dans notre monde comme une irruption du surnaturel dans un monde réel. D'ailleurs, j'ai personnellement imaginé ma propre réaction si ces évènements venaient à se produire réellement. Je me serais certainement retrouvé parmi les premières victimes, sur le toit des immeubles, brandissant une pancarte 'Bienvenue chez nous!". Les extra-terrestres du 1er volet sont semblables aux petits gris chers aux X-Files, ils correspondent peu ou prou aux descriptions qui en ont été faites par les véritables témoins de leurs apparitions. D'une certaine manière, ils demeurent crédibles d'un point de vue scientifique. Ici, au contraire, l'introduction d'un système de ruche, avec une reine insectoïde, casse cet aspect, et on pense à Starship Troopers et à leurs extraterrestres insectoïdes.
Ensuite, la situation point de départ du scénario n'aide pas à l'identification : l'humanité, qui a triomphé lors du l'attaque précédente de 1996, a su tirer parti des technologies laissées par les aliens. On se retrouve plongés dans une espèce de réalité parallèle à laquelle on a un peu de mal à adhérer : l'humanité semble très unie, sous la bannière des États-Unis, exception faite de l'Afrique, qui a moins évolué puisque ses représentants continuent de se servir de machettes. Elle a colonisé la Lune, et présente d'emblée de nouveaux jeunes acteurs, déjà pratiquement tous gradés, qui effectuent une mission héroïque sans broncher et avec une étonnante facilité. A la liste des incohérence s'ajoute la femme de Will Smith, strip-teaseuse en 1996, et qu'on retrouve médecin-chef dans un hôpital en 2016. Vive l'Amérique, car oui, décidément, tout est possible.
Le suspens est éventé : on sait depuis avant le générique que les aliens reviennent. Le scénario reprends donc les grandes phases du 1er : attaque alien faisant des millions de morts, riposte humaine qui échoue, discours fédérateur et riposte finale due à l'ingéniosité et au sacrifice de quelques uns. Ce film est symbolique du contraste envahissant entre les deux notions de spectaculaire d'une part et d'émotion d'autre part, dont j'ai toujours pensé qu'elles ne devaient pas être incompatibles l'une l'autre. L'ébauche de technologies et d'effets visuels, de trucages hallucinants et d'effets numériques inouïs, est ici poussé au maximum, mais je me suis étrangement surpris à moins vibrer sur mon siège que d'habitude. Il y a véritablement des millions de morts dans ces attaques démesurées, et pourtant, je n'ai pas versé ma petite larme. Avec le recul, j'en suis arrivé à la conclusion que la catharsis n'est absolument pas présente dans ce film, et d'ailleurs aucun des personnages ne semble avoir de compassion pour la vie humaine et ces millions de morts, avec une mention spéciale à Liam Hemsworth, assez transparent, au jeu prévisible et dénué du charisme de Will Smith, et surtout à Angelababy, la plus mauvaise actrice du film, qui est capable de sourire 5 minutes après avoir pleuré en voyant mourir son oncle sous ses yeux. Le personnage campé par Charlotte Gainsbourg résume également cet absence d'empathie, mais je pense qu'il est possible que l'énergie que déploie son personnage trahisse en réalité le plaisir qu'a ressenti l'actrice à interpréter ce rôle. Son personnage est typique de la place des femmes dans le film : elle a de bonnes idées, mais personne ne l'écoute. Elle aura juste droit au baiser de Jeff Goldblum à la fin. Il en va de même pour l'idée de placer une femme comme présidente des États-unis : elle prends d'emblée une mauvaise décision, puis s'avère inexistante à l'écran avant de disparaitre au profit de William Fichner.
Conclusion
Au final, il reste le plaisir nostalgique de retrouver Jeff Goldblum, toujours impeccable, dont les rapports avec son père, l'excellent Judd Hirsch, nous valent les scènes les plus réjouissantes du film, Bill Pullman, que personnellement je n'avais pas revu depuis un certain temps, et qui rajeunit au fur et à mesure dans le film et l'irrésistible Brent Spinner, inoubliable Data de StarTrek, qui apporte la nécessaire touche comique, dans un film qui sinon en manque cruellement.
On pourrait facilement déduire de tout ce qui précède que je déconseille ce film. Rien n'est moins vrai car il n'en demeure pas moins un divertissement agréable, réalisé avec le savoir-faire que l'on connait du réalisateur. Il ne faut pas en attendre davantage, car il ne laissera pas le souvenir impérissable du 1er volet. L'absence de temps morts fait que l'on ne s'ennuie jamais. Le film pose le débat sur l'utilité de ces suites, interroge l'état de la création artistique en ce moment et questionne l'importance mercantile des grands films de divertissement, comme seuls les américains savent en faire...et pas seulement un 4 Juillet.
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