Rambo Last Blood

Posté dans : Cinéma 0
Rambo affiche

Parmi tous les grands enseignements de Sylvester Stallone, de ceux qu'il dispense judicieusement par le biais de maximes inoubliables dans les films dont il est l'auteur, il y en a un que je préfère entre tous : "Ce n'est pas fini tant que ce n'est pas fini". Il est tentant pour moi de disserter sur la façon dont cet adage s'éclaire à la lumière de sa propre carrière, mais si je l'évoque ici, c'est aussi pour me réjouir d'un retour aussi attendu qu'inespéré. Il y avait en effet tout à craindre à l'annonce de ce Rambo V Last Blood aussi surprenant qu'improbable, surtout si l'on se rappelle que la star avait proposé, avec l'excellent John Rambo, une conclusion très satisfaisante à celui qui restera l'un de ses personnages les plus emblématiques. Faisant preuve d'un respect hors du commun envers l'ensemble de ses fans, il avait alors réalisé un film d'envergure, véritable réflexion autour de l'essence de son personnage, avec une étude de fond de son rapport à la violence, dont il faudra que je parle ici un jour. J'ai encore en mémoire l'instant où en cours d'"Histoire du Théâtre", mon prof de Fac que j'admirais à cité John Rambo pour son admirable exposition iconographique.

Depuis, malgré les folles rumeurs qui circulaient pourtant régulièrement, le projet d'une suite m'était apparu incongru. Par la suite, lorsque l'acteur l'a confirmé, en déclarant que sa source d'inspiration serait le fabuleux No country for old man des frères Cohen, cela m'avait rendu plus que sceptique encore. Alors, que vaut-il vraiment ce film, au-delà du plaisir coupable et assumé d'aller le voir en salle, au-delà des attentes et des angoisses folles qu'il aura suscité auprès d'un fan absolu comme moi, au-delà enfin des critiques stupides qui n'ont pas manqué de fuser sur l'âge de son interprète iconique et irremplaçable et au-delà des polémiques politiques que le message du film ne manque pas de susciter ?

DSC01360.ARW

I. La mort est en chemin

Rambo 5-8

Il faut bien le reconnaitre, Last Blood est sur beaucoup de points le film de tous les dangers. Dès le départ, le Pitch réussit à nous surprendre en nous présentant le personnage qui n'est plus, pour la première fois, le solitaire que nous avons appris à aimer : dix ans après son retour de Birmanie, John Rambo vit paisiblement dans le ranch de son père en compagnie de Maria, sa gouvernante et de Gabriella, qu'il a élevé comme sa propre fille. Le périple qu'entreprend cette dernière afin de retrouver son véritable père au Mexique tourne mal et elle se retrouve prisonnière des réseaux de prostitution des Cartels. Toujours hanté par son passé et les horreurs des conflits, le vétéran entreprend d'aller la libérer au mépris du danger, et d'affronter seul une véritable armée.

Dès le départ, la première réaction consiste à se demander s'il y a encore quelque chose à rajouter qui ne soit pas superflu à propos de ce personnage iconique. Avec ce Pitch très surprenant, le projet apparait donc artistiquement assez risqué, surtout, comme je l'ai dit, après la très belle conclusion proposé par le 4ème opus. En effet, l'arc narratif de Rambo se clôt de belle manière à la fin de John Rambo avec l'image symbolique du personnage de retour de Birmanie dans son pays, et se dirigeant vers la ferme de ses parents. L'image boucle ainsi avec la toute première de First Blood, et renvoie directement à l'exposition du personnage dans ce premier film, dont on est en mesure de penser désormais que ce ranch était sa destination lorsqu'il errait sur la route avant d'être interpellé par le shériff. Mais en allant plus loin, je vais essayer d'expliquer en quoi ces deux films dialoguent entre eux en réalité de multiples manières.

  1. Le titre du film. C'est le trait qui semble évident, Last Blood renvoie donc directement à First Blood, de manière explicite. Il faut rappeler que ce premier film porte le titre du roman dont il inspiré. Son auteur, David Morrell, d'abord associé à ce dernier volet avant d'en être évincé, est sorti de sa réserve pour désavouer publiquement ce dernier épisode. Cela se comprends : le Rambo V est assez différent du Rambo 1. Le Rambo 1 avait du mal à trouver sa place dans la société : incompris, il se trouvait en décalage avec les institutions, et en particulier celles sensés garantir l'ordre et la paix. Au contraire, la scène d'exposition du Rambo V montre un personnage collaborant avec les forces de police. Désormais totalement intégré, il met ses aptitudes et ses compétences au service de la société. Filmé de façon très efficace, avec un montage très dynamique par Adrian Grunberg, cette séquence nous montre que désormais la violence est le fait de la nature, ce qui sera contredit par le reste du propos du film. Le retour du héros dans son ranch est propice à nous présenter Maria et Gabriella, autre protagonistes majeurs du film, qui nous montrent une autre différence : le personnage n'est plus un solitaire asocial vagabondant sur les routes, mais un homme assagi, vivant dans son ranch et qui s'est trouvé un semblant de famille. Enfin, cette scène distille un premier indice d'un syndrome post traumatique : le héros n'a pas pu sauver tous les randonneurs. Maria le console avec ces mots : "tu ne peux pas les sauver tous , tu n'es plus au Viêt-Nam".
  2. La force de l'argument de First Blood consistait à évoquer la difficile réinsertion des vétérans du Viêt-Nam de retour au pays, et les conséquences psychologiques auxquelles ils furent confrontés. Cette problématique, si elle demeurait un élément constitutif du personnage, avait eu tendance à être reléguée au second plan, voire purement oubliée, dans les épisodes qui lui font suite. Last Blood restitue cette dimension au personnage, à une époque où la médecine a réussi à mettre enfin un nom sur ce mal : on parle aujourd'hui fréquemment de "syndrome post-traumatique" afin d'évoquer les blessures psychologiques que les vétérans ramènent avec eux des conflits. Rambo est ici dépeint comme un ancien combattant qui prends des cachets pour ne plus être hanté par les images violentes de ces conflits, qui lui reviennent fréquemment sous forme de flash. Il expurge son passé en creusant des galeries souterraines sous son ranch, à la manière des Viêt-Cong, tout en écoutant la musique des Doors, dont on imagine qu'elle était celle qui passait à l'époque du conflit.
  3. La particularité de l'action des deux films est qu'elle prend part sur le sol américain, et se répondent en miroir. Dans First Blood, en effet, c'était Rambo qui assiégeait à lui seul une ville entière, alors que dans Last Blood, à l'inverse, c'est véritablement une petite armée qui vient l'assiéger directement chez lui.
  4. Le premier film critique et remet en cause l'Amérique, en exposant des problématiques politiques profondes : manque d'empathie envers les anciens combattants, besoin de reconnaissance des vétérans, frustrations liés à une défaite qui a été politiquement camouflée. Ce dernier épisode vient également poser un questionnement politique actuel, comme je le développerais plus loin.
  5. Les deux films se terminent par un monologue empreint d'émotion. Le premier est expurgé dans un cri émotionnel d'une intensité exceptionnelle, alors que le second est empreint de nostalgie et parvient directement au spectateur sous la forme d'une voix off.
  6. Dans les deux films enfin, les éléments de décors sont utilisés à bon escient et avec beaucoup d'ingéniosité dans l'élaboration de pièges multiples : Rambo utilise à merveille les possibilités offertes par les galeries souterraines qu'il a creusée comme, lors du premier film, il utilisait à la perfection les possibilités offertes par la forêt et son environnement naturel.

Je veux réhabiliter ici la séquence d'exposition du personnage, qui se situe avant le générique, et qui a été d'emblée l'objet des premières critiques. Il s'agit avant tout d'une séquence d'action pure, avec effets spéciaux dosés, et au montage très rapide, dans laquelle le héros porte secours à des randonneurs. Cette séquence ne figure pas sur le montage du film proposé aux états unis, et c'est bien dommage car elle est essentielle pour plusieurs raisons :

  1. Elle présente l'évolution du personnage : il s'agit toujours d'un héros qui se porte à la rescousse des autres. Cette fois-ci, il ne combat plus les forces de l'ordre mais coopère avec elles. Il apparait donc rangé. Cette évolution est physique, comme le confirme son changement de look : plus de bandeaux dans les cheveux, la longue tignasse a disparu au profit d'une coupe courte. Elle est également d'ordre psychologique, puisque le personnage dans l'impossibilité de sauver tous les randonneurs, évoque ses frères d'armes du Viêt-Nam. En cela, il apparait d'entrée comme un homme toujours marqué profondément par les horreurs du conflit qu'il a traversé.
  2. Cette mise en échec est très importante car elle est typique du personnage. D'une part, Rambo apparait faillible dès l'ouverture du film, et nous verrons que cela anticipe également la suite des évènements. D'autre part, Rambo veut inscrire la violence de la vie à travers son caractère injuste : il n'y a pas forcément de "happy end" car les actions entreprises ne réussissent pas toujours et leurs conséquences sont régulièrement funestes. En cela, la séquence est annonciatrice de la suite du film à travers le sauvetage de Gabriella, qui tourne mal. Ce principe est un élément essentiel présent dans toute la saga, selon des registres divers, qui veut inscrire le personnage dans le monde réel.
  3. La séquence apparait enfin indispensable si on examine la rythmique générale du film. Son concentré d'action permet au spectateur de mieux accéder à l'exposition du film, qui étale ensuite la situation durant une bonne vingtaine de minutes sur un rythme assez lent. Ce rythme va ensuite s'accélérer en crescendo, pour finir en apothéose aussi jubilatoire qu'époustouflante dans les dernières trente minutes du film.
Un nouveau look de cow-boy pour le célèbre vétéran
Un nouveau look de cow-boy pour le célèbre vétéran

II. Une leçon politique

Le président Donald Trump reçoit Rambo
Le président Donald Trump reçoit Rambo

J'ai été choqué et très surpris d'apprendre que les critiques les plus virulentes à l'encontre du film provenaient des États Unis. C'est alors que j'ai eu l'idée de le regarder autrement, comme si Stallone, est tant qu'auteur-scénariste, désirait nous livrer sa vision du monde actuel, qu'il oppose à cette sorte de regard nostalgique qu'il porte sur le passé. Un peu à la manière de Clint Eastwood, je me suis souvenu que John Rambo avait été rarement aussi bavard. La voix off du personnage est en cela une vraie nouveauté, et il faut se souvenir que ce principe est avant tout proposé à destination du spectateur. Il se dégage des paroles qu'il prononce, principalement lors du monologue final, une certaine forme de nostalgie morbide, comme lorsqu'il évoque "ses amis qui sont maintenant devenus des fantômes du passé", qui n'est pas sans évoquer le regard critique de Clint Eastwood, lorsqu'il aborde ses discordances avec ce présent qu'il ne reconnait plus. A travers cette grille de lecture, le film prend une tout autre lumière. Si Eastwood joue de son inadaptation au présent, et dissimule ses convictions politiques sous un trait parfois humoristique, Stallone est beaucoup plus virulent. Ses récentes prises de positions sur les films Marvel, et plus généralement sur les films "à fond vert", décrits comme "n'étant pas réellement du cinéma"ont fait couler pas mal d'encre. Rambo V est donc un film à l'ancienne, revendiqué et assumé comme tel, même si, il est vrai, il a recours à des effets spéciaux de sang numérique. Son scénario se déroule de façon linéaire, sans artifices : pas de flash-back ou de récits fragmentés.

Au-delà de l'aspect purement cinématographique, Stallone va plus loin en proposant, à travers son double filmique, une leçon sur le monde réel. C'est à travers Rambo le personnage que Stallone l'auteur dit que le monde actuel est bien pire, bien plus vicieux que le monde qu'il a connu autrefois. A son époque, l'ennemi était clairement identifié, alors qu'aujourd'hui il peut être partout, dans un environnement extrêmement proche. Cet notion d'ennemi a donc évolué, il ne fait plus l'objet d'une guerre ouverte et déclarée par le gouvernement, mais il en est presque plus redoutable puisqu'il mène désormais une guerre sur le territoire même des États-Unis. C'est tout le sens du terme "front intérieur- Home Front". Pour rappel, Home Front est un film que Stallone a écrit et qui raconte sensiblement la même histoire : un ex agent de la DEA qui vit paisiblement retiré avec sa fille, se voit contraint de reprendre les armes pour lui porter secours et de partir en guerre contre des narco trafiquants. Stallone n'oublie jamais un projet, et s'il n'est crédité qu'en tant que scénariste sur HomeFront, il en reprends la trame principale dans Last Blood en ayant soin cette fois de l'amener jusqu'à son aboutissement, afin de ne laisser aucun doute sur la nature de ses propos.

Si le film dérange, c'est qu'il questionne l'Amérique en s'inscrivant directement dans le contexte politique de la mandature de Donald Trump. Le film vient participer de manière inattendue au débat qui force les citoyens à se positionner sur la question du Mexique. Ce pays est ici montré sans aucune concession, et cela dès les premières séquences où Gabriella pénètre dans les rues au volant de sa voiture : tout y est montré sale, menaçant, peuplé d'une faune bigarrée qui laisse entrevoir distinctement ses mauvaises intentions. Le Mexique est clairement présenté comme un pays où les jeunes filles sont kidnappées pour subir milles tortures en devenant des prostituées, et dans lequel les policiers sont corrompus. La séquence où les jeunes filles sont offertes à leurs premiers clients afin d'être violées est explicite, puisque ceux-ci sont tous constitués de policiers en uniforme. La leçon qu'en tire Stallone sur la frontière entre les deux pays est aussi claire : Rambo la franchit sans aucun souci à plusieurs reprises. La séquence où il défonce très facilement le grillage au volant de son véhicule n'est pas gratuite : filmé sans style, de façon frontale, elle m'a fait sursauter sur mon siège tant elle se veut explicite. Elle vient sans aucun doute appuyer  la promesse politique de Donald Trump de bâtir un mur solide entre les deux pays. A la fin du film, l'argument est poussé à son paroxysme puisque c'est littéralement une véritable armée d'invasion qui pénètre sur le sol américain, armée jusqu'aux dents, sans aucun problèmes apparent, et que Rambo doit combattre et repousser à lui seul.

L'argument critique qui taxe le film de raciste et xénophobe est cependant à balayer rapidement. En effet, il ne faut pas oublier que Gabriella et Maria sont elles-mêmes mexicaines, et subissent cette violence. De la même façon, le personnage de la journaliste, qui tient la fonction d'adjuvant, ce que Hitchcock appelait "facilitateur", même si elle se déclare métisse, est là pour rappeler qu'il faut se garder de toute généralité. Et si l'on examine d'autres oeuvres, parmi lesquelles Breaking Bad dont j'ai parlé dans un autre article, le Mexique est régulièrement dépeint au cinéma comme une pays peuplé de narcotrafiquants sans que cela ne provoque autant de remous.

Stallone est le scénariste d'HomeFront
Stallone est le scénariste d'HomeFront

III. Un héros crépusculaire

Yvette Moinreal incarne la fragile Gabriella
Yvette Moinreal incarne la fragile Gabriella

Comprendre la saga Rambo, et l'apprécier à sa valeur la plus juste, consiste comme je viens de le dire à mon avis également à examiner les thématiques sous-jacentes. Mais à côté des questionnements politiques et idéologiques de son auteur, cohabitent tout ce qui relève de sa sphère privée. Car à l'inverse d'un Rocky qu'il a entièrement imaginé, Sylvester Stallone s'est totalement approprié le personnage à l'origine crée par Davis Morrell. A tel point qu'il en est devenu l'auteur, dans sa version cinématographique tout au moins. Et la particularité du Stallone auteur consiste à exposer un peu des éléments de sa vie à travers les deux personnages qui l'ont rendu le plus célèbre. Si cela est particulièrement évident pour Rocky Balboa, nous allons voir que ce cinquième volet de Rambo est certainement celui qui en dit le plus sur son auteur. Si Stallone n'a pas réalisé lui-même le film, préférant laisser la tâche à Adrian Grunberg, il en a tout de même supervisé le scénario. Comme je l'ai dit plus haut, il reprend ici le squelette principal d'Homefront, film qu'il a préféré laisser interpréter par Jason Statham sous prétexte, selon ses déclarations, qu'il n'avait désormais plus l'âge de son personnage. Un point fondamental qu'il faut bien comprendre chez Stalonne est qu'il ne veut pas s'encombrer de cette question : à chaque fois qu'il s'est trouvé en situation de renoncer à un projet sous le prétexte de l'âge, il y est revenu par la suite, malgré les brimades, et a finalement pris sa revanche. C'est le cas pour l'excellent "Rocky Balboa", qui a été le point de départ de tout un volet de sa carrière marqués par des rôles d'actions assurés de haute tenue malgré son âge : John Rambo, la série des Expendables, la série des Évasion. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de voir, peu après Rambo Last Blood, le 3ème volet d'Évasion, surnommé The Extractors. A mon avis, ce volet, plus réussi que le second, a servi d'entrainement pour Stallone : violence exacerbé jusqu'à la cruauté, mort surprise d'une protagoniste au milieu du scénario, qui motive la vengeance et l'explosion de violence du héros à la fin.

La particularité de ces personnages, et en particulier Rocky et Rambo, est qu'il m'est littéralement impossible d'imaginer un autre comédien dans ces rôles. Même s'il abandonne l'aspect physique iconique du personnage, bandeau dans les cheveux et torse nu, sa seule présence est magnétique, presqu'hypnotique. Stallone déploie un jeu d'acteur monolithique caractéristique du personnage, et il le pousse tellement loin, que lorsqu'il le rompt, cela lui permet d'exprimer des moments d'émotions intenses avec beaucoup plus de force et d'intensité. C'est le cas lors de la séquence de la mort de Gabriella. Ce moment du film est imprévisible, mais il est toutefois possible qu'il soit annoncée finalement si l'on tient compte du principe de réalisme que j'ai évoqué plus haut. Il est également à double lecture. Il aura fallu attendre quelques années, que l'occasion scénaristique se présente, mais Stallone expurge ici un des moments les plus douloureux de sa vie personnelle : la mort de son fils Sage Stallone des suites d'une overdose en 2012, à l'âge de 36 ans. Le parallélisme avec Gabriella, fille adoptive dont il s'est occupé comme un père, est troublant : malgré tous ses efforts, il n'a pas pu la sauver d'une mort annoncée. Le personnage s'en prends, au propre comme au figuré, plein la figure, et jamais nous n'aurions pu imaginer un jour voir Rambo tabassé de la sorte. Ce passage à tabac par la bande de narcotrafiquants est peut-être, d'une certaine manière, l'occasion pour Stallone de s'auto flageller et de se punir. C'est aussi une reconnaissance de la marque du temps : le Rambo de First Blood, en tant que véritable As du camouflage, ne se serait pas laisser piéger aussi facilement.

Le Pitch de départ a conduit beaucoup à faire le rapprochement avec celui de Taken, notamment dans ses grosses trames scénaristiques : fille kidnappée dans un pays étranger destinée aux réseaux de prostitution, père vétéran de l'armée parti à sa rescousse. Je préfère personnellement y voir une ressemblance avec celui d'Impitoyable, chef d'œuvre d'Eastwood, notamment dans ce que son auteur souhaite nous dire: héros vieillissant en quête de rédemption. Stallone reprends d'ailleurs les codes du western d'Impitoyable, en présentant son personnage en look de cow-boy au début du film, avec pour décors ranch et chevaux, dans des images aux tonalités sombres ou en clair-obscur  A l'instar d'Eastwood, Stallone, s'il égratigne cette époque, assume son décalage et affirme un discours sur son âge : le héros d'antan n'est plus tout à fait celui qu'il était, certes, mais sa détermination et son ingéniosité permettent à la bête fauve qui sommeille toujours en lui de se réveiller lors du final époustouflant du film. L'acteur est alors survitaminé, et  Adrian Grunberg donne à son film un rythme qui ne laisse plus au spectateur le temps de souffler. Le 4ème volet proposait une réflexion très intéressante du rapport à la violence. Last Blood met le curseur encore plus haut, en proposant une forme stylistique que l'on peut qualifier d'"hyper violence", annoncée à mon sens à la moitié du film lors d'une séquence assez gore durant laquelle Rambo interroge un membre du cartel en lui extirpant littéralement l'os de la clavicule. Le film reprends encore ici un schéma issu du premier volet : la dimension de bombe à retardement du personnage, qui une fois enclenchée ne peut plus être arrêtée et détruit tout ce qui se trouve sur son passage.

Si Eastwood préfère jouer de clair obscurs et d'entrebâillements de lumière pour dessiner le relief de ses personnages dans Impitoyable, Adrian Grundberg préfère juxtaposer les espaces : les grands espaces du ranch, associés à la lumière et au bonheur, sont opposés aux intérieurs sombres et confinés, rattachés à la violence. Enfin, le personnage de vétéran, véritable asocial que Stallone parvient à maintenir depuis le tout premier film, n'est pas sans rappeler Travis Bickle, autre vétéran asocial héros du Taxi Driver de Scorcese. Tous deux sont investis d'une mission vengeresse afin d'extirper une jeune fille de la prostitution et iront jusqu'au bout dans un déchainement inouïe de violence.

Clint Eastwood et Sylvester Stallone
Clint Eastwood et Sylvester Stallone

Conclusion

Le réalisateur Adrian Grunberg
Le réalisateur Adrian Grunberg

Le hasard a fait que je rédige cet avis juste après avoir parlé du film Paul, Apôtre du Christ. De façon assez inattendue, j'ai trouvé que le film proposé par Stallone répond de manière imprévue au film d'Andrew Hyatt. En effet, si la leçon qui peut être tirée du film biblique par la bouche de Paul est "La seule réponse à la violence et à la haine, c'est l' amour ", la morale de Rambo consiste à dire "Si l'on vous fait du mal, la seule réponse consiste à faire plus de mal, il faut être plus barbare encore que les barbares."

Last Blood mérite largement d'être vu au cinéma, et je me réjouis d'avoir eu cette chance après avoir également pu y voir John Rambo. Ce genre de film ne fait pas habituellement l'objet de telles analyses. Classé en tant que film commercial, d'exploitation, il est régulièrement dévalorisé par la critique pseudo-intellectuelle qui a vite fait de penser qu'une oeuvre de ce type n'a rien d'intéressant à dire et n'a d'autre but que de divertir les foules. C'est en réalité faire bien peu confiance au public. A l'inverse d'Eastwood, Stalonne lui-même est dévalorisé par cette pseudo- intelligencia. Je pense sincèrement qu'ici la notion de cinéma de divertissement rejoint celle d'un cinéma plus artistique dans ce qu'il a à dire. J'espère avoir modestement apporté des éléments de reflexion qui apportent un éclairage que certains n'auraient pas eu l'occasion de percevoir. Au bout du compte, c'est la finalité de ce blog que j'entretiens passionnément, celui d'ouvrir d'autres voies, d'attirer une lumière toute personnelle et originale sur des oeuvres inattendues, et pour lesquelles j'éprouve un plaisir non dissimulé à partager mon enthousiasme.

Rambo 5 famille
Le plaisir d'emmener sa maman voir Rambo
Le plaisir d'emmener sa maman voir Rambo
ça n'a pas de prix
ça n'a pas de prix
Commentaires
Partagez

Laisser un commentaire