Peut on faire tout et n'importe quoi avec Star Wars, sous couvert qu'on peut pratiquement tout se permettre avec une franchise culte dont on sait par avance qu'elle rapportera des millions au box office? A t-on véritablement fait n'importe quoi avec Star Wars VIII, et trahi par là même l'esprit et l'aura qui entourent l'oeuvre que Georges Lucas a construit à travers l'ensemble des films precedents ? C'est la question que je me suis posé en constatant le foisonnement de réactions négatives, parfois très épidermiques et finalement assez dures provenant de mon entourage, parfois même de mes amis pourtant fans de cet univers, à l'issue de la projection du nouvel épisode de la saga. A l'inverse, certains y voient le meilleur volet de la franchise. Mon excitation de base fut donc très rapidement redoublée devant le mystère que constituait pour moi ces réactions diamétralement opposées. Car oui, je n'ai donc pas fait partie du premier contingent de spectateurs, n'ayant pas pu me précipiter dans les salles à sa sortie. J'ai tout de même réussi à aller voir ce film qui continue encore de passer en salles deux mois après sa sortie. Il a fallu pour cela parvenir à éviter tout spoiler et supporter d'être un des seuls à ne pouvoir donner son avis lorsqu'on me le demandait. L'avantage, c'est d'avoir pu confortablement choisir sa place et d'avoir pu profiter pleinement du film dans des conditions presque optimales. Voici donc, au lendemain du visionnage, les impressions que ce film me laisse.
I. Vue d'ensemble sur les enjeux
Certes, lorsqu'un film suscite une une pareille attente, il s'expose presque forcément à un sentiment de déception au moins proportionnel. Et c'est vrai qu'il était tellement attendu ce film, ne serait-ce que par la promesse que nous avait fait J.J. Abrams en clôturant le précédent volet des retrouvailles avec Luke Skywalker. Et je crois qu'il s'agit là de l'élément principal à prendre en compte pour comprendre les réactions face à ce film et les clés de cette analyse sont contenu toutes entière dans ce point. Je vais essayer d'en démontrer les raisons tout en expliquant pourquoi, en tant que spectateur, nous ne devons pas sombrer à notre tour du côté obscur :
Tout d'abord, je me suis interrogé sur Rian Johnson. Qui était ce chanceux réalisateur qui se voyait donner les commandes d'une des franchises les plus célèbres de l'histoire, et prendre la suite de J.J. Abrams ? Je rappelle ici que je fais partie de ceux qui ont aimé le travail d'Abrams sur le précédent volet. Je savais par avance qu'il ne pourrait que respecter l'oeuvre de Lucas tout en y apportant sa propre touche, à l'image de ce qu'il a fait pour Star Trek. Ici, au contraire, Rian Johnson est un réa quasi-inconnu pour moi. A part d'avoir réalisé trois épisodes de Breaking Bad, il est surtout connu pour Looper, excellent film de science-fiction que j'ai beaucoup aimé, puisqu'il permet à Bruce Willis de retrouver, après L'Armée des 12 Singes, un autre rôle d'explorateur du temps et des destinées humaines. En dehors de ces faits d'armes, le fait que Johnson se retrouve aux commandes d'une machinerie aussi importante que Star Wars demeure pour moi à ce jour encore une énigme. Peut-être le monsieur dispose t-il d'un solide réseau.J'en profite donc ici pour évacuer définitivement la question Disney, dont les responsables n'ont fait ici que valider les choix artistiques de leur nouvel auteur. Ce qui compte ici, et ce qu'il faut retenir, c'est que Johnson est à la fois scénariste et réalisateur. A ce titre, il a la chance de pouvoir appliquer ses choix esthétiques afin de les faire coïncider au mieux à ses choix scénaristiques. Avant d'aller plus loin, il convient de s'attarder comme il se doit sur ces deux points :
Les choix scénaristiques : Si pour moi dans l'épisode VII, Abrams reprenait ouvertement des séquences en hommage aux films précédents, et notamment à l'épisode IV, ici, j'ai eu constamment en tête les références à l'épisode V. En effet, le scénario se déploie sur deux itinéraires distincts : d'un côté, il y a Rey qui quitte l'action principale afin d'aller faire sa formation Jedi auprès de Luke, comme l'a fait en son temps Luke auprès de Yoda, tandis que de l'autre, les autres personnages sont attribués à la progression de l'action principale.
J'aurais l'occasion de le démontrer plus bas, mais au final, l'action de cet épisode, malgré sa longueur inédite, ne progresse pratiquement pas. Johnson se démarque des films précédents, notamment de la prélogie, en situant l'essentiel de son action dans l'espace au lieu de planètes, théâtre d'action principal de tous les autres films. Le résultat est que l'on ne perçoit pas nécessairement une progression de l'action. La course poursuite dans laquelle le vaisseau de la rébellion doit se maintenir à distance de tirs, soumis au compte à rebours d'épuisement de ses réserves, m'a évoqué un épisode à l'économie de Star Trek. J'explique plus bas en quoi son scénario est marqué par la notion de Rupture.
Les choix esthétiques : La réalisation m'a profondément perturbé, disons le. Il y a en effet une alternance entre séquences plate, sans beaucoup de relief formel et séquences beaucoup plus réussies dans lesquelles Johnson semble prendre la mesure de l'évènement. Car Star Wars, c'est avant tout une ode au effets visuels. Lucas a parsemé ses films de plans d'ensemble, survolant des décors féériques de planètes féeriques. Ce faisant, il a donné corps à son univers. C'est d'autant plus remarquable que lorsqu'il a retouché la trilogie originale, c'est justement pour y adjoindre ces vues d'ensemble qui lui permirent de rajouter la dimension épique qu'il estimait trop peu présente d'un point de vue visuel dans les masters originaux. S'inscrivant dans cette ligne, Abrams n'a pas procédé autrement lorsqu'il proposait ces vues de Rey déambulant près des carcasses immenses des destroyers échoués par exemple. Ici, Rian Johnson souffre manifestement d'un manque de souffle épique, et cela se voit notamment lors de la séquence où Rose et Finn explorent Canto Bight sorte de ville casino à la Monte-Carlo. Ou sont les plans d'ensemble qui donnent une réelle dimension épique? Ou sont les environnements qui nous depaysaient ? Johnson alterne donc séquences plates, sans aucun relief ni même style, avec des séquences très réussies, comme les batailles spatiales dans l'espace. Heureusement, la séquence la plus abouti est le duel épique final entre Luke et Kilo Ren, où le réalisateur nous prouve qu'il maitrise plans d'ensemble et sens de l'épique. Sur l'ensemble du film, cette alternance semble faire partie de son style : caméra dynamique et véloce lors des batailles dans l'espace et scène plates et modestement filmées lors des dialogues dans les vaisseaux par exemple. J'ai personnelement trouvé cette alternance permanente très déstabilisatrice, et il est évident qu'elle nuit gravement au film dans son ensemble. Mais le passage sur Canto Bright mérite qu'on s'y attarde pour d'autres raisons: cette ville renforce ma comparaison avec l'épisode V, puisqu'elle m'a évoqué la Cité dans les nuages de Lando Carlissian. D'ailleurs, alors qu'on s'attend presqu'à voir débarquer ce dernier, on a la surprise de voir apparaître Bénicio Del Toro dans le rôle du déchiffreur de code. Si son bégaiement était censé rendre le personnage comique, cet effet est raté et on en vient même à se questionner sur l'utilité du personnage dans le scénario. Son rôle de traitre qui finit par livrer les héros pourrait d'ailleurs se comparer pleinement à Lando s'il basculait du côté des bons à la fin. Pourtant, ici aussi, Johnson a choisi le contrepoint : le personnage du décrypteur de code, dont on ne saura jamais finalement s'il était bien celui que Rose et Finn cherchait, finira par partir sans scrupules avec son du. Canto Brigh est discutable, car au final ne fait pas progresser l'action. On y retiendra juste le message écologique, dans lequel Rose tient à libérer des animaux exploités, et rien que pour cela, cette diversion est sympathique.
II. Le film de la Rupture
Le titre à lui seul aurait du nos mettre sur la voie : "les derniers Jedi" sonne en effet comme la fin d'un époque, en évoquant immanquablement la fin d'un ordre symbolique de la saga, laissant le champ libre à la construction de quelque chose de nouveau.
Johnson marque une rupture incontestable dans l'univers Star Wars pour plusieurs raisons : d'une part, on l'a dit, sa réalisation inconstante oublie la dimension épique dans beaucoup trop de séquences. Il situe son action essentiellement dans l'espace, alors que jusqu'ici la part belle était réservée à l'action dans des environnements de planètes dépaysantes, folkloriques et réjouissantes. Certes, si Star Wars - la guerre des étoiles peut justifier un pareil choix, force est de constater que la structure de construction de son scénario n'apporte pas d'évolution, tant au niveau de l'action que sur le plan du devenir des personnages.
La rupture se constate aussi dans d'autres domaines, tels que celui de la musique par exemple. John Williams, qui a tant contribué à la magie Star Wars par ses thèmes inoubliables, est ici à peine reconnaissable. J'ai même cru à un moment qu'il y avait un autre compositeur, c'est tout dire. Cela implique forcément que le spectateur ne ressent plus la douce impression de se retrouver dans cet univers connu et aimé, et qu'il a parfois le sentiment de visionner un film de science-fiction quelconque. Même si on sait que Williams recycle avec plaisir les thèmes historiques, souvenons nous qu'il a tout de même développé nombre de beaux morceaux nouveaux pour la prélogie. Ici, force est de constater qu'il est vraiment au dessous de ce qu'il a fait jusqu'à présent.
Grosse rupture également au niveau du Suprême Leader Snoke. La scène où Kylo Ren mène Ray devant Snoke rappelle irrésistiblement celle où Dark Vador mène Luke devant Palpatine. Pourtant, ici aussi Johnson nous propose une rupture assez intéressante puisqu'en faisant mourir Snoke dès cet épisode, il évite assez habilement d'en faire un empereur au rabais.
Rupture également au niveau de la durée : c'est le premier fil de la saga, à ma connaissance, qui dure 2H30. L'action est omniprésente, et Johnson se permet de multiplier les twists, c'est à dire, des retournements de situations. Le plus désagréable et inutile est à mon avis celui concernant la Princesse Leia, qui vole dans l'espace après qu'elle ait subie une explosion de son vaisseau. Cette séquence a deux défauts majeurs : esthétiquement, elle n'est pas très bien réalisé et scénaristiquement, elle n'apporte rien à l'histoire, hormis le fait que l'on apprend, bien tard, que Leia a des dispositions à l'utilisation de la Force. La succession de ces twists est impressionnante : Leia, qui meurt mais revient, Kylo Ren dont on ne sait s'il va basculer ou non, le dechiffreur de code qui finit par trahir. Johnson veut surprendre ses spectateurs tout le long de son film. Le twist de la fin, dans lequel le combat entre Luke et Kylo Ren n'est en fait pas un vrai combat, permet de rompre là encore avec les codes qui instauraient une part belle au duel final. Au passage, Johnson se permet même d'ajouter de nouvelles faculté à la Force, dont on ignorait tout jusqu'alors : celle de projeter mentalement une image de soi très réaliste ou de converser à distance. En dessinant ainsi une nouvelle représentation de la Force, Johnson marque une rupture audacieuse avec Lucas et les films précédent, et va laisser une empreinte dont les futurs auteurs vont devoir tenir compte. A mon sens, tout ce que Johnson veut nous dire est tout entier résumé dans deux séquences phares :
- Les origines de Rey, qui sont l'objet d'un mystère dans l'épisode VII, sont enfin révèles. L'audace de Johnson consiste à donner une explication qui rompt avec les liens du sang, Rey n'a pas d'affiliation avec aucun des personnages connus, pas plus Luke que Leia. Johnson nous explique qu'il n'est nul besoin de descendre d'une lignée pour être un Jedi et manipuler la Force : Rey n'est simplement que la fille de modestes ferrailleurs. L'image finale de l'enfant qui manipule son balai grâce à la Force vient appuyer ce propos : tout le monde peut être un Jedi.
- L'apparition réjouissante de Yoda, vraisemblablement de retour sous forme de marionnette, et se gaussant comme dans l'épisode VI, auquel il se rattache donc, vient expliciter la vision de Johnson. Luke conserve à l'abri d'une grotte les vieux manuscrits des textes fondateurs seuls héritage de l'Ordre Jedi, que Rey a découvert. Leurs format, leur nombre et leurs disposition en petit rayonnage m'ont ostensiblement évoqué nos vieilles cassettes VHS ou DVD que chacun conserve pieusement. Ces symboles religieusement gardés sont brûlés sous l'influence de Yoda lui-même : la rupture avec l'ordre ancien est ainsi consommé, sans compromis et tout ce qui fait partie de ce passé doit être oublié, brulé. Souvenons nous que Disney avait amorcé cette démarche en faisant peu ou prou table rase de l'univers étendue, qui avait mis 30 ans à se construire.
III. La transmission de l'Héritage
Les orientations que Rian Johnson fait subir à Star Wars, qui ont des implications sur l'ensemble des films précédents ne peuvent se comprendre que sous l'angle de la transmission d'un héritage. Cela explique selon moi pourquoi le film déçoit autant les puristes et autres fans de la première heure. Pourtant, d'emblée, Johnson nous explique à quoi s'attendre à travers les deux séquences d'ouverture.
- La bataille spatiale entre Poe Dameron et le général Hux est d'entrée déstabilisante par son humour. Un officier fait d'ailleurs remarquer à Hux "Il se fiche de vous". Vouloir défaire l'aura du méchant en le rendant dérisoire est un choix contestable, car on peut se questionner sur l'utilité du personnage par la suite. La rivalité entretenue auprès de Snoke avec Kylo Ren ne fonctionne plus. On voit bien où tout cela mène : Hux devient ensuite une sorte de souffre douleur de Ren.
- Johnson nous livre après la suite tant attendue de la séquence finale de l'épisode VII qui voit Rey remettre à Luke son sabre laser. Cette séquence était le point d'orgue vers lequel le film d'Abrams convergeait. Hors, Johnson ruine d'emblée l'émotion de la séquence en nous donnant à voir Luke balancer son sabre laser par dessus son épaule. Au delà du choc légitime d'une action à laquelle on ne s'attendait pas et qui relève de l'hérésie pour le fan, la séquence peut se comprendre comme une nouvelle marque d'humour rappelant le duel entre Indiana Jones et le combattant au sabre dans "Les Aventuriers de l'Arche Perdue", mais le choc légitime, la déception compréhensible de voir les promesses émotionneles de cette scène jetés par dessus l'épaule sont telles que le présumé gag fait long feu. Abrams terminait l'épisode VII par cette scène, purement visuelle, sans aucun dialogues, privilégiant l'émotion des retrouvailles entre le spectateur et Luke. Il faut 2 secondes à Johnson pour lui faire un sort. Au delà de cette surprise, il faut voir ce que représente réellement cette séquence : on se débarrasse des choses anciennes et on tourne la page. Elle est à mettre en relation avec celle où, aidé de Yoda, il brule les textes fondateurs de l'Ordre Jedi.
En débutant son film par ces deux séquences à l'humour décalé, non seulement Johnson déstabilise d'entrée ses spectateurs et les fans, mais surtout hypothèque l'attention que ces derniers pourraient porter sur la suite du film. Je pense que Johnson est passé véritablement à côté de l'humour subtil des précédent films. En effet, celui ci consistait souvent dans des répliques bien senties entre les personnages, et servaient à mieux les caractériser. Il y a des tas d'exemples avec Han Solo, mais l'efficacité de ces répliques provenait essentiellement des qualités de jeu et du charisme d'Harisson Ford. L'exception a cette règle est, bien sur, l'inimitable Jar Jar Binks qui déploie un comique de situation en connivence avec le spectateur. Personnellement, Johnson ne parvient vraiment à me faire sourire que lors de la séquence du repas de Chewbacca, qui culpabilise en se sentant observé par les petites créatures locales de la planète de Luke, qui finissent d'ailleurs par l'accompagner dans le Faucon Millenium. Pour le reste, le film manque clairement de cet humour, et là aussi, il s'agit d'une rupture.
En ce qui me concerne, la promesse qui m'a été faite en amont du film est pour moi tenue : les retrouvailles avec Luke ont un côté fascinant, entièrement du à l'interprétation de Mark Hammil. Peut-être en écho à sa propre carrière, Luke vit retiré du monde lorsqu'on vient le chercher pour reprendre le rôle qui autrefois fit sa gloire. L'acteur a t-il eu cette dimension à l'esprit? Quoiqu'il en soit, sa composition est fascinante, sa présence charismatique et il parvient à susciter une palette d'émotions variées. Il est, avec Adam Driver, l'un des deux gros atouts du film. Il déploie un jeu d'acteur très convaincant, habité plus que jamais par les tourments de son personnage. Son duel final contre Kylo Ren donne des frissons et parvient à donner un souffle épique au personnage, en lui procurant un final terriblement émouvant, digne de ce personnage emblématique et qui rappelle celui d'Obi-Wan Kennobi dans l'épisode IV. La boucle est bouclée, puisqu'on a là le premier personnage de la saga que l'on suit de sa naissance jusqu'à sa mort. De l'autre côté, Adam Driver, que j'ai depuis l'épisode VII eu l'occasion d'apprécier dans d'autres rôles, m'a impressionné par son jeu d'acteur. Il parvient à maintenir son personnage à l'écart de tout standard manichéen et réussit à reflèter à chaque instant les tourments intérieurs qui le déchirent, et on se demande jusqu'au bout de quel côté il finira par basculer. En cela, il prend la relève du tiraillement intérieur d'Anakin dans les épisodes II, III et VI.
Conclusion
Le film de Rian Johnson pâti de cette alternance constante entre séquences épiques réussies et scènes d'une grande platitude formelle, ce qui fait qu'au final, Star Wars VIII n'est pas un mauvais film, mais ce n'est pas non plus un chef d'oeuvre. A mon sens, il faut avoir constamment à l'esprit cette thématique de transmission d'un héritage afin de comprendre ce que cet épisode veut nous dire. Johnson, comme j'ai essayé de le démontrer, tourne la page de Georges Lucas, mais aussi de J.J. Abrams. La première trilogie posait les fondements d'une Légende que des puristes se sont appropriés en la rendant, de fait et avec le temps, intouchable. Pourtant, la première hérésie vint de son créateur : Lucas lui-même a bousculé les règles, créant au passage un précédent dans l'histoire du cinéma, puisqu'il a modifié les films originaux de telle façon qu'il est désormais aujourd'hui presqu'impossible de les visionner tels qu'ils ont été réalisés à leur époque. Il ne s'est pas arrêté là puisqu' il est revenu une deuxième fois sur son oeuvre en racontant ce qu'il est convenu aujourd'hui d'appeler la prélogie. Il ne faut pas oublier qu'à chaque fois, il s'est violemment fait attaquer par les gardiens d'un temple qu'il a lui-même crée. Pour ces fans radicaux, rien n'est à toucher, modifier ou bousculer dans cet univers. Pourtant, il faut garder à l'esprit que dès le départ, il a conçu son histoire sur une succession de trois trilogie. C'est la raison pour laquelle il a dès le départ fait figurer la mention Épisode IV : Un nouvel espoir sur son premier film, que longtemps beaucoup ont simplement appelé Star Wars, la Guerre des Étoiles. Avec le temps, pourtant, on a fini par accepter cette prélogie dont on sait qu'elle aboutit, au final, à introduire les évènements de la première. La différence réside dans le fait que l'on connaissait d'entrée l'issue, la seule interrogation portait sur les chemins pour y parvenir. Je me souviens de ma première réflexion à la sortie de l'épisode I : comment ce gentil bambin d'Anakin allait-il pouvoir en seulement 2 épisodes se transformer en un des plus grand méchant de l'histoire du cinéma ? Depuis la reprise en main par Abrams, au contraire, on s'aventure pour la première fois en terre inconnu, et personne ne sait où l'histoire va nous conduire. Cette incertitude a été renforcé chez les puristes par l'abandon de l'Univers étendu. Rian Johnson dessine une sorte de trajectoire de la vie inattendue : l'orgueil des Jedi a mené à la destruction, avec la constitution de l'Empire, et il est donc compréhensible qu'ils soient voués à disparaitre. Il convient dès lors de raconter une nouvelle histoire.
Cette déception à l'encontre du film vient uniquement de là : les grosses attentes autour du film n'ont pas correspondu avec ce que les créateurs ont imaginés. Tous les moments que les fans ont attendus, fantasmé ne sont pas au rendez-vous. Ce qui conduit aux phrases du type : Disney a détruit Star Wars" ou bien encore" Ils ont trahi la confiance des fans"". C'est oublier que Lucas lui même a subit ces critiques à l'époque de la prélogie. On l'accusait déjà de concessions à Disney avec JarJar Binks et de donner une explication scientifique à la Force avec le discours sur les Medichloriens et les analyses de sang de Maitre Qui Gong. Il est trop facile de critiquer une oeuvre parce qu'elle ne ressemble pas à ce qu'on aurait voulu qu'elle soit. Star Wars appartient d'abord à son auteur, à Georges Lucas et maintenant à Disney et c'est la vision de l'auteur, de l'artiste, en l'occurence ici de Rian Johnson qui prône. Celui-ci a eu le courage de proposer une histoire avec des directions nouvelles que personne n'attendait, et cela on ne peut pas le lui enlever. Il a su cependant raviver l'émotion du spectateur et de Luke, dans cette belle scène où R2D2 lui repasse le message initial de la Princesse Leia de l'épisode IV et du réussi Rogue One.
Ceux qui ont détesté ce film sont en fait ceux qui prônent un temple immuable, et ne sont pas prêt à accepter un changement qui, nous l'avons vu plus haut, repose sur un passage de relai vers une nouvelle génération. On ne peut pas critiquer ce film en argumentant que Johnson a fait n'importe quoi en rompant avec tous les codes établis, et reprocher dans le même temps à Abrams d'avoir fait un épisode classique, qui rappelait avec force clins d'oeils les films de la trilogie originale. C'est impossible, car, les deux derniers films s'opposant tant part la forme que par le fond, l'argumentaire serait incohérent. Nous sommes comme ces enfants, à la fin du film, qui commémorent les exploits de Luke avec des jouets. Les exploits des personnages des anciennes trilogies seront pour toujours les héros de notre enfance, et nous les célébrons comme ces enfants autour de la dernière bataille de Luke. Nous avons grandi avec Star Wars et nous le sommes appropriés. Nous sommes comme cet enfant, le regard vers les étoiles. Cette très belle image finale aurait pu ainsi clore définitivement la saga, mais un tel mythe n'est pas destiné à rester figé, et doit évoluer en s'ouvrant vers un infini représenté justement par cet espace que l'enfant contemple.
Anonyme
Merci pour cette Analyse.. Très agréable..
Yannick
Merci de ton retour…Tu peux aussi, si cela te dit, aller consulter ce que j’ai écrit sur d’autres films ou sur d’autres sujets…